Il y a bien souvent une frustration quand on cherche à proposer quelque chose de bon à son parent âgé (une aide à domicile, un outil plus pratique, un accompagnement rassurant) et qu’on essuie un refus catégorique. Pas méchant, mais ferme. On en est pourtant convaincu : cela lui ferait du bien, et à nous aussi certainement.
Cette situation, très courante, devient d’autant plus complexe lorsqu’elle concerne des solutions pensées pour prévenir des difficultés à venir… mais qui ne sont pas (encore) ressenties comme nécessaires par notre proche. C’est souvent ce décalage entre sa perception et la réalité, entre prévention et urgence, qui rend les choses encore plus difficiles ensuite.
Alors comment mieux comprendre, et avancer ensemble malgré ces blocages ?
Mieux comprendre ce qui se joue derrière le refus
Derrière un « non » ferme de notre proche, il n’y a pas forcément du déni. Il peut y avoir de la peur, une inquiétude de paraître faible, ou simplement une difficulté à se projeter autrement que comme une personne autonome.
Beaucoup d’aînés associent l’aide extérieure (sous forme de services ou d’un outil) à une forme de déchéance, ou à l’entrée dans une nouvelle étape de leur vie qu’ils n’ont pas choisie. Et la société dans laquelle nous vivons, où l’avancée en âge est perçue comme un problème et une faiblesse, n’aide pas les choses…
Le simple fait d’avoir besoin d’un outil pour ouvrir un bocal, d’un ‘rollator’ pour aller au marché, ou d’une aide à domicile, peut être vécu comme un rappel brutal du temps qui passe.
Parfois, c’est aussi une question de rythme : tout peut aller trop vite. Un diagnostic de maladie, une chute, une hospitalisation… Et en quelques semaines, l’entourage propose des changements radicaux, pensant bien faire. Mais pour la personne concernée, cela peut ressembler à une perte de contrôle.
Certaines solutions sont aussi très stigmatisées : un rollator (déambulateur), un siège de douche ou une télécommande simplifiée ne sont pas neutres symboliquement. Et puis, il y a ceux qui refusent par habitude, par caractère, ou parce qu’ils pensent sincèrement ne pas en avoir besoin.
Le plus important est de comprendre que ce refus ne traduit pas un rejet de vous, ni une absence de lucidité. Mais aussi qu’il n’est pas forcément définitif. C’est une étape du cheminement, qui peut évoluer. Mais pour cela, il faut d’abord 1) respecter le refus de son proche et essayer de comprendre ses raisons, 2) laisser passer un peu de temps, et 3) essayer des approches différentes pour trouver celle qui arrivera à convaincre.
Côté aidants… ce n’est certes pas simple non plus
Être confronté à un refus quand on veut sincèrement bien faire, peut être déstabilisant et très frustrant.
Quand on est aidant, on prend souvent les choses en pleine figure : une inquiétude qu’on partage, une idée qu’on croyait bonne, un service qu’on a mis du temps à organiser… et tout cela balayé d’un « non » ferme. Dans ce cas, on se sent forcément frustré, blessé, ou même en colère. Et ce n’est pas un signe de faiblesse, c’est juste humain.
Ce rôle d’aidant, on ne l’a pas forcément choisi. Il arrive de manière insidieuse avec la perte progressive des capacités de notre proche, ou bien de manière bien plus abrupte (après une hospitalisation, une chute, etc). Et il peut générer des émotions mêlées : de l’amour, de la fatigue, du découragement parfois. Il n’est pas rare d’avoir l’impression de porter le quotidien à bout de bras, sans reconnaissance, et avec une culpabilité qui rôde dès qu’on envisage de dire stop. Pourtant, il est essentiel de se rappeler que, même si notre proche perd certaines capacités, il reste un adulte, responsable de ses choix, même lorsqu’on ne les comprend pas.
Certaines personnes trouvent un soulagement en se fixant des limites claires : ce qu’elles sont prêtes à faire, ou non. Dire à son parent : « Je ne pourrai pas être là tous les soirs », ou « Je ne suis pas à l’aise avec les soins d’hygiène, mais je peux t’aider à organiser une autre solution »… c’est une manière de rester présent, sans s’épuiser ni se nier.
Et surtout, ce n’est pas abandonner son proche. C’est poser un cadre sain, qui permet aussi à l’autre de garder une part de maîtrise sur ce qui lui arrive. Enfin, cela laisse de la place à d’autres solutions, à d’autres intervenants, à d’autres formes de lien.
Créer un pont : amorcer le dialogue en douceur
Quand les points de vue divergent, le dialogue prend souvent une tournure compliquée. Pourtant, c’est souvent là que tout commence.
L’idée n’est pas de convaincre que notre idée est bonne, mais de trouver un terrain d’entente, une zone commune où chacun se sent écouté. Cela passe parfois par des pas de côté, des chemins détournés, loin des demandes directes. Certains aidants partagent qu’en évitant les sujets sensibles de front, et en commençant par des propositions plus légères, leur proche a fini par s’ouvrir.
Par exemple, plutôt que d’initier immédiatement une aide à domicile pour la toilette ou les soins, proposer une visite hebdomadaire d’une professionnelle bienveillante qui vient juste discuter ou faire un massage relaxant peut être un premier pas. Celui d’ouvrir sa porte à un(e) inconnu(e). Le faire pour quelque chose de moins “intime” peut être un peu plus facile à accepter dans un premier temps. Et l’acceptation pour une aide plus personnelle sera alors facilitée par la suite
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D’autres ont introduit une gazette personnalisée reçue par courrier, un jeu à faire ensemble qui aide à ouvrir le dialogue, ou un écran facile à prendre en main pour faciliter les échanges avec les petits-enfants. Cela peut sembler anodin… mais peut pourtant changer le regard porté sur l’aide. Il ne s’agit plus d’une assistance intrusive, mais d’une expérience agréable.
Ce cheminement concerne aussi l’aidant : dire à son proche ce qu’on ne souhaite pas faire, c’est parfois salvateur. C’est avant tout une façon de le respecter. Car, fixer ses propres limites permet à l’autre de reprendre sa part de responsabilité, et de prendre des décisions en toute connaissance de cause. Aussi, en plus de permettre de réorganiser des tâches, de faire appel à un service ou de de faciliter un peu le quotidien, cela permet aussi d’éviter les malentendus, les non-dits, et les tensions.
Faire preuve d’empathie, c’est comprendre que l’autre ne voit pas (encore) les choses comme nous. Rester ouvert, c’est accepter que le timing du changement ne soit pas toujours le nôtre. Et se dire que chaque petit pas compte. Même si le chemin est sinueux, il n’est pas bloqué, et il existe certainement une manière de le dénouer.
🧠 Côté Sciences : La neuroéconomie, qui combine neurosciences et comportement humain, montre que les nudges — petits aménagements qui proposent sans imposer — sont plus efficaces qu’un ordre. Proposer une aide comme une option libre, sans l’exiger, active un sentiment de choix qui facilite l’adhésion.
Les mots qui facilitent l’adhésion : des formulations qui donnent envie
Ce n’est pas toujours ce qu’on propose qui dérange, mais comment on le propose.
Une même idée, formulée autrement, peut susciter de l’enthousiasme plutôt qu’un rejet. Et dans ces moments vraiment charnières où notre proche a la sensation de perdre le contrôle, les mots peuvent avoir un vrai pouvoir.
Plutôt que d’évoquer une difficulté ou un manque, il peut être plus pertinent de parler de confort, de plaisir, de nouveauté ou même de curiosité. Des approches légères, joyeuses ou valorisantes permettent souvent d’ouvrir plus facilement la porte à l’idée.
Voici quelques formulations qui peuvent être testées, selon les affinités de chacun :
« Je suis tombé sur quelque chose qui m’a fait penser à toi, je crois que ça pourrait vraiment te plaire. »
« On pourrait essayer ensemble ? Juste pour voir si ça t’amuse. »
« C’est un petit extra, comme un petit luxe qu’on s’offre de temps en temps. »
« C’est joli, pratique… et franchement, je trouve que ça te correspond. »
« J’ai vu ça chez une amie, son père a adoré. Je me suis dit que ça pouvait te plaire aussi. »
« Tu me donnes ton avis là-dessus ? Je sais que t’as toujours eu bon goût. »
« C’est une idée un peu originale, mais je pense que tu pourrais aimer. »
« On se fait un test ? Tu choisis ce qu’on garde ou pas. »
« Franchement, ce n’est pas une aide, c’est juste un coup de pouce sympa. Tu gagnerais tellement en confort… »
« Ça a l’air chouette, tu veux qu’on découvre ça ensemble ? »
L’idée est de rester dans un registre positif, complice, et respectueux. Il ne s’agit pas de manipuler, mais de montrer que l’on pense à l’autre, à ses goûts, à son bien-être, sans jamais le ramener à une idée de fragilité ou de perte.
Il n’y a pas de méthode universelle, pas de recette magique qui fonctionnerait à tous les coups. Ce qui marche pour l’un peut échouer pour l’autre, et c’est normal. Ce qui est certain, en revanche, c’est que plus on commence tôt, plus les choses s’installent naturellement. Un premier petit pas aujourd’hui peut ouvrir des portes demain.
Ce premier pas est souvent le plus difficile, autant pour celui qui propose que pour celui qui reçoit. Mais une fois ce cap franchi, on découvre qu’il est possible de concilier respect, liberté et accompagnement. D’installer des solutions sans faire intrusion. De mieux vivre l’aidance sans s’épuiser.
Et surtout, on découvre qu’en avançant ensemble, chacun peut rester à sa place. Avec du lien, de l’écoute, de la confiance… et une touche d’inventivité. Parce qu’aider, ce n’est pas prendre le pouvoir. C’est offrir des possibilités.
Chez Toutpourlesaidants.com, nous souhaitons contribuer à l’épanouissement de vos aînés, notamment en vous proposant une sélection de solutions ludiques soigneusement choisis.
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